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jeudi 21 avril 2011

journée internationale des monuments

La première célébration de la Journée internationale des monuments et des sites ne méritait-elle pas plus et mieux ? Par Houcine Jaïdi

La Tunisie a célébré, lundi dernier, pour la première fois depuis la Révolution, la Journée internationale des monuments et des sites pour laquelle l’Unesco a choisi, depuis 1982, sur proposition du Conseil international des monuments et des Sites (Icomos), la date du 18 avril. Dans une déclaration rapportée, la veille de la manifestation, par l’agence TAP, le ministère de la Culture a souligné l’importance de cette célébration qui met en exergue une Journée que le régime déchu a marginalisée en la noyant dans le cadre d’un prétendu ‘’ mois du patrimoine’’ qui ne mettait en valeur ni la dimension nationale des monuments et sites archéologiques et naturels ni la solidarité internationale qu’elle a vocation de développer. La célébration de la Journée a eu lieu dans la région du Kef, sous la présidence de trois ministres dont celui de la Culture qui a mis en valeur la signification du lieu choisi pour la manifestation et les promesses du tourisme culturel. Sur ce dernier point, il était appuyé par le ministre du Commerce et du Tourisme.
Toutes ces initiatives et ces déclarations ne pouvaient que satisfaire les Tunisiens. Mais ces derniers étaient en droit d’espérer une meilleure médiatisation de la célébration de la Journée, particulièrement à travers une campagne de sensibilisation passant, entre autres moyens, par les chaînes de télévisions publiques et privées intéressent particulièrement les téléspectateurs depuis la Révolution. De fait, il n’en fut rien ou presque. Mise à part une évocation rapide dans le téléjournal de 20h00, l’événement est passé inaperçu. Cela ne laissait d’étonner compte tenu de plusieurs considérations. Ne s’agissait-il pas, en effet, de la première célébration de la Journée du 18 avril par la Tunisie ? Les sites et monuments n’ont-ils pas souffert du pillage comme le soulignait la déclaration du ministère de la Culture ? La presse télévisée, entre autres, n’a-telle pas abordé, longuement, au lendemain du 14 janvier, le thème du pillage des monuments et des sites ? La société civile ne s’est-elle pas mobilisée fortement et par divers moyens pour alerter l’opinion et les autorités concernées sur l’étendue des dégâts déjà commis et ceux qui étaient en cours ? De hauts responsables ne se sont-ils pas exprimés dans différents médias pour confirmer ce qui était dit et écrit, ici et là, annoncer des mesures et en promettre d’autres en vue de lutter contre les atteintes portées au patrimoine archéologique et naturel.
Pouvait-on espérer une meilleure occasion que la première célébration de la Journée internationale des monuments et des sites pour organiser, au moins dans le cadre de la chaîne nationale de télévision, une grande soirée consacrée au sujet ? L’occasion était en or pour faire le bilan de l’action entreprise depuis trois mois en matière de préservation du patrimoine archéologique et naturel , présenter les projets de différentes sortes qui sont en rapport avec les monuments et les sites : les projets de sauvegarde et de mise en valeur en cours, la législation susceptible d’être révisée, les pas franchis ou projetés en matière de tourisme culturel, les nouvelles orientations souhaitées, dans plus d’un milieu, en matière de mobilisation des compétences nationales ?
Le thème de la Journée de cette année, qui concerne ‘’Le patrimoine culturel de l’eau’’ offrait plus d’une opportunité pour meubler des documentaires qui, soigneusement préparés, ne serait-ce qu’à partir des archives de la Télévision nationale, n’auraient pas manqué de retenir l’attention des spectateurs tunisiens et autres. A travers toutes les époques de son histoire multimillénaire, la Tunisie a connu de nombreuses réalisations en matière d’ouvrages hydrauliques, qui témoignent d’un véritable génie digne d’être montré et qui a besoin d’être expliqué. Certaines de ces réalisations sont d’une envergure et d’une ingéniosité telles qu’elles comptent parmi les plus importantes du monde méditerranéen et même d’ailleurs. Il suffirait de citer l’aqueduc de Carthage et les bassins aghlabides de Kairouan qui font actuellement l’objet de grands projets de mise en valeur.
Rêvons un peu plus : une grande exposition aurait pu être organisée sur l’esplanade de l’avenue Habib-Bourguiba — si fréquentée par les militants, les curieux et les désœuvrés de tous bords depuis trois mois - pour montrer aux non initiés des pans du patrimoine national matériel et immatériel relatif à l’eau. Des chercheurs relevant du ministère de la Culture, des enseignants-chercheurs des universités tunisiennes, des ingénieurs, des artistes et des hommes de lettres, associés dans une œuvre commune et appelés à accueillir le public, auraient animé une véritable fête de la science et de la culture comme il s’en trouve dans nombre de pays développés. L’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (Amvppc) aurait certainement trouvé, dans les fonds considérables provenant, depuis plus de vingt ans, des droits de visite des monuments et des sites, de quoi financer plus d’une manifestation qui aurait été éminemment en rapport avec les prérogatives inscrites dans ses statuts.
Au lieu de toutes ces perspectives qui eussent été légitimement réalistes, les chaînes de télévision tunisiennes ont préféré consacrer la soirée (du moins le prime time) à un feuilleton suivi de variétés (la chaîne nationale) et au sport (deux chaînes privées). Faut-il rappeler que, du temps du régime déchu, les Tunisiens avaient déjà droit, à l’occasion de l’inauguration du mois du Patrimoine, à de beaux communiqués et à des reportages relatifs au déplacement de nombreux hauts responsables à l’intérieur du pays. Le plus et le mieux espéré depuis le 14 janvier sont-ils encore à attendre pendant longtemps ?
Puisque toute révolution suscite des inquiétudes légitimes et parfois salutaires mais aussi des espoirs non moins légitimes et salutaires, formulons le vœu de voir les parties concernées concevoir une meilleure programmation pour la première célébration tunisienne de la Journée internationale des musées qui aura lieu le 18 mai prochain.

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